Je m’appelle Omar, et hier je me suis enfui du Maroc. J’en avais marre, vraiment marre, d’être sous la contrainte de la misère. Alors , pendant la nuit je suis monté sur un bateau qui allait à Marseille. Hier, tout me semblait très facile, trop facile même, mais là je dois dire que j’ai un peu peur qu’on me découvre et qu’on me renvoie dans mon pays.
Alors que le soleil pointait, c’est accroupi à la proue du bateau que je vis pour la première fois Marseille.
Pendant que le bateau longeait la côte, j’ai pu constater que ça ne ressemblait vraiment pas à là d’où je venais. Il y avait d’immenses falaises, des calanques, et des habitués du coin commençant à pécher sur une petite jetée. J’appris plus tard que c’était les Goudes.
- Waouh !
- Eh, petit, que fais-tu là ?
Glacé d’effroi, je me suis retourné vers l’origine de la voix. Un homme barbu m’examinait, les poings sur les hanches. Alors j’ai sauté à l’eau.
J’ai bien failli avoir un choc thermique, l’eau était gelée. Mais comme un ponton n’était pas loin, je me suis mis à nager vers lui. Soudain un reflet métallique sous l’eau attira mon attention, j’ai donc plongé. C’était un petit coffret de métal tout bête, qui reposait au fond de l’eau, mais je l’ai quand même ramassé, puis j’ai rejoint la terre ferme. J’ai sauté dans un bus pour Marseille. Je suis descendu à Castellane, près du rond point du Prado.
Dans la rue, je regardais tout avec émerveillement, les bâtiments, les enseignes des magasins, tout était nouveau. Je suis allé vers une pizzeria. L’établissement avait l’air propre, même si un des hommes accoudés au comptoir me faisait peur, il avait l’air d’un fou psychopathe. La dame derrière le comptoir, plutôt jeune avec des cheveux blonds, souriait.
- Euh, madame, en fait j’aimerais bien de quoi manger.
- Tu as de quoi payer ?
- J’ai trouvé ça dans la mer, lui dis-je, en montrant mon coffre, mais je n’ai pas réussi à l’ouvrir.
Elle me regarda avec compassion. Puis elle sortit du comptoir un couteau et essaya d’ouvrir mon coffret. Lorsqu’elle y arriva, elle en sortit plusieurs lettres manuscrites et des aquarelles. Elle ouvrit la première enveloppe et me lut son contenu :
- « Cher ami, j’ai décidé de t’envoyer plusieurs de mes œuvres pour t’aider à faire face à tes problèmes. Ce ne sont pas des chefs d’œuvres mais j’espère que les posséder t’apportera quelque réconfort.
J’espère te voir bientôt
Antoine de Saint-Exupéry »
Comme je remarquai que la dame ne pipait mot, je lui ai demandé qui était l’auteur de la lettre. « Tu ne sais pas qui c’est ??? C’est un écrivain connu dont l’avion a coulé près de Riou, l’île qu’on aperçoit au large. Il a écrit « Le Petit Prince ». Normalement, tu peux vendre ce que tu as trouvé au musée Cantini pour un bon prix. »
J’étais ravi ! Claire, de la pizzeria, m’a amené au musée, dont le directeur a examiné le contenu de mon coffret. Lui aussi avait l’air joyeux. Il m’a acheté une des aquarelles et une des lettres pour une somme … faramineuse d’après moi. Mais quand je suis sorti du musée un homme a couru vers moi et m’a bousculé. Il a pris mon coffre !!!
Je me suis lancé à sa poursuite. Je ne sais pas combien de temps on a couru, mais quand j’ai réussi à le rattraper je n’avais aucune idée d’où j’étais. Nous étions dans une petite impasse, nous étions seuls. J’ai été un peu bête : je lui ai sauté dessus et lui ai arraché le coffret. Il a alors sorti un pistolet et l’a braqué dans ma direction. J’ai fermé les yeux. Un grand «PAN» a retenti. Et c’est tout. J’ai ouvert les yeux, et j’ai vu Claire qui était allongée sur le trottoir. A coté d’elle, une flaque de sang. Le voleur, non, l’assassin, avait disparu. Et j’ai perdu connaissance.
Je me suis réveillé sur un banc et je n’avais aucune idée de comment j’avais atterri là. Je me suis assis le coffre à la main et, encore étourdi, je regardais les passants. Puis j’ai remarqué un homme qui m’observait depuis un magasin en face. C’était l’homme qui avait blessé Claire ! Donc j’ai couru. Très longtemps. Très vite. Je ne sais pas où. Estimant avoir semé l’homme, j’ai examiné les lieux. Devant un grand stade, il y avait une file de personnes. Des panneaux publicitaires annonçaient que le match OM-PSG était gratuit. On était sûrement au fameux stade Vélodrome, j’en avais tellement entendu parler. En avisant la foule qui y allait, je me suis joint à la queue. Ici , au moins, ce serait difficile de me trouver.
Le match a commencé et, sans que je m’en rende vraiment compte, je me suis mis à encourager les joueurs. Je ne savais pas qui appartenait à quelle équipe, mais je criais quand même « Allez, vas-y ! », « eeeet loupé ! », « Goaaaaal ! ». Le match allait terminer 2-0 en faveur de l’OM quand j’ai aperçu l’homme qui me poursuivait à seulement dix mètres de moi. Je me suis mis à trembler.
Une fois sorti du stade, je me suis encore mis à courir dans l’Avenue du Prado. L’homme était toujours derrière moi. J’ai bifurqué dans la rue Paradis , puis, à bout de souffle je me suis dirigé vers la cathédrale Notre Dame de la Garde. L ’homme avait des complices, et si ce n’était pas lui qui me suivait c’était l’un de ses acolytes. Malheureusement pour moi, ils étaient tous armés. Cette balade était franchement loin d’être amusante. J’ai descendu le Boulevard Aune et me suis caché dans le Jardin Puget. Je me suis assuré que j’étais seul, puis je me suis installé sur la branche d’un arbre. Il y avait une vue imprenable sur la mer et sur Marseille. J’ai creusé un trou dans la terre et j’y ai mis le coffre que j’ai recouvert de terre et de feuilles. Et je me suis endormi sur ma branche.
Une fois le soleil levé, un passant m’a indiqué le commissariat de la rue de Rome. J’ai expliqué mon histoire aux policiers. Ils ne m’ont cru que lorsque je leur ai montré mon coffret. « Peuchère », ça n’a pas été facile de les convaincre !
Le commissaire m’a donné un petit GPS émetteur. Le plan : attirer les hommes dans une ruelle, puis alerter la police. Je n’avais pas trop le choix mais je n’aimais pas l’idée de servir d’appât. Surtout quand le poisson est particulièrement dangereux.
Je me suis promené dans Marseille en descendant vers le Vieux Port, jusqu’à ce que les hommes me repèrent. Cette fois, ils étaient la bande au complet. J’ai dégluti. Et j’ai couru jusqu’au point de rendez-vous, l’impasse du Pharo. Et là, j’ai envoyé un signal aux policiers. Je ne sais pas pourquoi, j’ai attendu, attendu, alors que les autres avançaient, mais il ne se passait toujours rien. Alors que les hommes s’apprêtaient à m’attraper, j’ai entendu plusieurs coups de feu et j’ai vu deux corps s’affaler devant moi. Je n’ai jamais eu autant peur de ma vie ! Et là j’ai ressenti une immense douleur au bras. Je venais d’être touché. Le dernier bandit tomba et toute l’équipe du commissariat du 6ème arrondissement m’entoura. Ils m’emmenèrent à l’hôpital La Timone. La blessure n’était pas très grave, mais il fallait que je reste ici trois semaines.
Le cinquième jour, Claire est venue me voir avec son mari dans ma chambre blanche. Elle était parfaitement rétablie de sa blessure et me lut un passage du Petit Prince : « Regardez attentivement ce paysage afin d’être sûrs de le reconnaître, si vous voyagez un jour en Afrique, dans le désert. Et, s’il vous arrive de passer par là, je vous en supplie, ne vous pressez pas, attendez un peu juste sous l’étoile ! Si alors un enfant vient à vous, s’il rit, s’il a des cheveux d’or, s’il ne répond pas quand on l’interroge, vous devinerez bien qui il est. Alors soyez gentils ! Ne me laissez pas tellement triste : écrivez-moi vite qu’il est revenu... »
J’avais trouvé une famille.
Iona Sobral
4ème 6
Lycée franco-mexicano